53 La plage de l'usine
Il faut bien évoquer cette période de vacances d’une manière ou d’une autre. Même celles et ceux parmi vous qui n’ont pas bougé peuvent s’y intéresser. En se demandant, par exemple, combien de voitures restent coincées dans les bouchons les samedis problématiques. Ou encore, fait-il chaud dans le sud et froid dans le nord, ou inversement, selon l’endroit d’où l’on envisage cette problématique saisonnière ? D’ailleurs, récession ou pas, cette année, il fait de toute façon chaud. C’est l’été !, voilà bien un phénomène qu’on ne peut nous enlever ou délocaliser. Alors, quand il fait chaud, l’envie me prend d’aller me baigner. Pas vous ? Figurez-vous que près de chez moi il y a une plage dont le nom, l’histoire et l’utilisation peut s’accommoder de la récession. C’est ainsi que je vais (presque) chaque matin me baigner à la « plage de l’usine ». N’y voyez là aucune référence à mon lointain passé ouvriériste, soyez-en certain. C’était d’ailleurs en un autre temps, une autre vie, juste après Mai 68, vous pensez si c’est oublié. L’usine dont il est ici question a fermé en 1984 (délocalisée ou partie en fumée?), la plage, elle, est restée, ils n’ont pu l’emporter. Ne souriez pas, il s’en est fallu de peu. Chirac était prêt à la transformer en marina. Les gens d’ici l’en ont empêché. Alors, le site est resté en friche jusqu’en 2008.
(j'ai pris cette photo pour la cheminée de l'usine !)
L’endroit me plaît beaucoup. Pour celles et ceux qui me prendraient pour un fou, d’adorer la plage d’une usine, je les rassure sur mon état mental et leur prédit qu’ils aimeraient l’endroit tout autant que moi. Jugez-en par vous-même. Pour l’atteindre, vous commencez par traverser le jardin du directeur, dominé par sa maison de fonction. Avouez que c’est un bon début. Le directeur ne pousse pas l’amabilité jusqu’à vous offrir le café, puisqu’il s’est envolé en même temps que l’usine, mais il a laissé de beaux palmiers dans le jardin, entourés de fleurs exotiques autour d’un bassin rond où chuinte une petite fontaine.
Vous pouvez quand même prendre un petit noir au bar aménagé juste à côté de l’escalier, minuscule concession du lieu à la société de consommation. Puis, vous longez à l’ombre de platanes centenaires une partie laissée sauvage (pour la diversité des espèces végétales) et vous parvenez sur une esplanade tout en bois accrochée au mur anti-débarquement de béton armé laissé par les nazis. Il n’est même pas laid, délimite la plage et est encore en place pour longtemps. Si vous vous en approchez, vous apercevez la plage d’un seul coup d’œil panoramique. Vous y descendez alors avec impatience et installez votre serviette au bord de l’eau pour allez vous baigner le plus vite possible. Le matin, quand il n’y a pas encore trop de jambes qui ont remué le fond et d’huiles de protection solaire qui ont pollué la mer, l’eau est d’une limpidité parfaite. Vous distinguez très bien les petits poissons qui viennent observer les intrus, vous-mêmes. Tout en nageant, vous pouvez admirer les collines recouvertes de vignes tout autour et au beau milieu, une très haute cheminée d’usine, rénovée.
Figurez-vous qu’à cet endroit, juste à côté de la plage, se fabriquait de la dynamite et que l’usine appartenait au groupe Nobel. Et bien mes chères amies et autres amis, sachez que l’accès à la plage de l’usine est gratuit, y compris le parking très bien aménagé, d’où part un sentier adorable et odorant qui passe sous la route. Une explosion de bonnes nouvelles, je vous dis. Que demande le peuple ?
Bien entendu, ceci n’est pas une publicité pour le conservatoire du littoral qui a acheté le terrain, le conseil général des Pyrénées Orientales qui l’a aménagé, avec l’aide de l’Union Européenne, et qui gère le site.