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16 septembre 2015

143 Le fascicule de Dieu

Je ne me suis jamais intéressé à mes parents quand j’étais jeune et encore moins au cours de mon adolescence. Je n’ai jamais réfléchi à leur vie. Je ne les ai pas observés pour en retirer un quelconque enseignement pour ma propre vie. C’est du moins l’impression que j’en ai (des années et des années plus tard). J’avais trop à faire avec les études et toutes les impressions mentales et corporelles que je découvrais, sans doute ou peut-être. Je m’élançais dans la vie sans arrière-pensée.

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Je me dis que j’étais donc un enfant heureux. Et pourtant un manque me perturbait comme un vide angoissant. Il y a ces peurs et ces doutes inscrits dans la chair de mon enfance. D’où provenaient-ils ? Je me le suis longtemps demandé jusqu’au jour où j’ai décidé que cela résultait d’un abandon de ma mère, quand elle ne venait pas me chercher à la maternelle le midi et que j’étais contraint de manger à la cantine des grands, ce qui était pour moi terrifiant. Ce souvenir était inscrit aux tréfonds de mes tripes et les images squattèrent mon cerveau de manière toxique pendant longtemps. Puis vers la fin de l’adolescence, je fus pris de paniques répétées devant la fin annoncée, cette mort inéluctable qui devint obsédante, mettant ma vie en déroute. Je ne pouvais rien faire d’autre, que ce soit au milieu de la nuit ou en plein jour, que d’errer seul à travers les rues de la ville pour tenter de juguler ces paniques en me sentant vivre à travers mon corps en plein effort solitaire. Toute une vie fut nécessaire pour les domestiquer puis les apaiser. Je reviens à mes parents, ces parents m’ont bien sûr influencé mais je garde la sensation d’une vie, la mienne, en dehors d’eux, malgré eux, sans eux.

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Et puis, un beau matin, au début de l’adolescence, Dieu m’a appelé, tout comme Christine Millet, par l’intermédiaire d’un fascicule négligemment posé sur une chaise d’église. Tout comme elle, je ne voyais que Lui, n’ayant jamais aimé les curés aux allures compassionnelles écœurantes qui méprisaient la femme et vénérait une vierge. En parcourant le récit (formidable) de Christine Millet sur son enfance et adolescence (comme un documentaire), je découvre tellement d’autres points communs que j’éprouve une joie profonde à méditer sa pénétrante et sensible analyse spéculative. Il serait trop long et surtout inutile de les énumérer ici, tant ils sont nombreux, mais un des passages où je m’identifie le plus à Christine Millet est celui sur la rêvasserie :

le suffixe « asse » dit bien le caractère très approximatif, inabouti, mal dégrossi, de cette pensée paresseuse, le plus souvent involontaire ; labiles comme celles des rêves, ses images n’en n’ont jamais pourtant ni la précision, ni l’effet de saisissement, et elles ne sont pas aussi élaborées ni dirigées vers un objectif que la rêverie proprement dite. Une belle maison peut susciter en moi une rêverie parce que, ne serait-ce que pendant une minute, je m’amuse à m’imaginer quelle serait ma vie entre ses murs, tandis que derrière la fenêtre d’un train je rêvasse, l’esprit qui se déchire autant que les paysages, sombrant avec eux dans l’inexistence de l’espace déjà traversé, et que, si l’on me demande à quoi je pense, je réponds sans mentir « à rien ». (…) Donc, les rêvasseries dans lesquelles je rencontrais Anthony Perkins ou quelque autre vedette de cinéma ne m’emmenaient jamais très loin. Parfois, je me glissais dans l’intrigue du film dans lequel je l’avais admiré et prenais la place de sa partenaire pour de brefs échanges ; d’autres fois, de façon plus « réaliste », une circonstance me permettait de le rencontrer dans la vie et de me lier avec lui…

Catherine Millet, Une enfance de rêve, j’ai lu

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