Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
lire sa vie
lire sa vie
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 36 370
25 avril 2014

87 Cohabitation

 

 Je me coltine en ce moment un livre ardu à lire (pour moi) et néanmoins très intéressant, et surtout, important à mes yeux. Comme toujours dans ces cas-là, je le grignote par petits bouts. Cela fait donc un moment que je l’ai commencé et cela durera encore un certain temps avant que je le termine. J’aime bien l’auteure, pour avoir déjà lu quelques articles d’elle en plus d’autres interviews qu’elle a accordé ici et là. Elle est surtout connue pour son travail sur le « genre ». Vous savez, les soi-disant « théories » sur lesquelles s’excitent en ce moment les religieux, qui se satisfont, eux, des stéréotypes bien ancrés dans la psychologie concernant ce que ne doit pas être une fille et ce que devrait être un garçon. Sur ce sujet hautement actuel, j’accorde une palme d’honneur à l’Église catholique, ne riez pas, depuis que la télé (la 2) nous a servi pendant son journal de 20h un reportage tourné dans les coulisses du Vatican, juste avant le dimanche de Pâques. Je ne sais pas si vous l’avez vu ? Figurez-vous que le Vatican nous a montré des bonnes sœurs en train de repasser les habits de cérémonie du pape ! Je n’en croyais pas mes yeux. Oui ! Des bonnes sœurs ! C’est-y pas exemplaire cette répartition des tâches, hein!, vous ne trouvez pas ? Qui a dit que les femmes comptent pour du beurre dans l’Église ? C’est moi monsieur le curé !

 

1849484_3_d832_le-pape-francois-a-dit-samedi-16-mars_39ab1974be33ff45b5985692cff6efa7

(François)

 

Mais ce n’est pas de cela dont il s’agit dans cette chronique. Encore une fois, j’ai dérapé, que voulez-vous, douze ans d’éducation dans des institutions catholiques laissent des obsessions. Je reviens donc à mon propos du jour. J’ai déjà mentionné Judith Butler dans des chroniques précédentes. J’ai même publié sa photo, c’est dire.

 

sans-titre (7)

(Judith Butler)

Cette philosophe américaine creuse, dans le livre que je suis en train de grignoter, le concept de « cohabitation ». Figurez-vous que je le trouve essentiel, à comprendre, et surtout, à appliquer dans nos sociétés modernes, au lieu de se laisser lamentablement aller au penchant du nationalisme mortifère, cher à l’extrême droite, et autres souverainistes. À mon entendement, nationalisme rime avec exclusion, puisqu’il y a forcément ceux qui participent de la nation et ceux qui n’en sont pas (des sans droits ou considérés par le pouvoir comme n’ayant pas les mêmes droits) tout en y étant (puisqu’ils y vivent), et, si on pousse cette logique jusqu’au bout, danger de guerre d’épuration ou ethnique ou de religion, déplacement de population, discrimination, et tout ce qu’on voudra. Je ne confonds pas patriotisme (l'amour de la patrie) et nationalisme bien évidement. Butler s’appuie beaucoup sur Hannah Arendt pour étayer son concept, tout en essayant de la dépasser pour coller au développement actuel. Je trouve ce qu’elle écrit vraiment pertinent, pour nous en Europe, même si elle-même pense surtout à la situation du conflit israélo-palestinien. Je soumets à votre sagacité quelques citations.

 

-          La cohabitation n’est donc pas un choix mais une condition de vie sur cette terre unique. Selon Arendt, Eichmann considérait que lui et ses supérieurs pouvaient choisir avec qui cohabiter sur cette terre ; Eichmann ne parvenait pas à comprendre que l’hétérogénéité de la population, sur cette terre, est une condition.

 

-          Pour des raisons structurelles, l’État-nation produit l’existence d’un nombre massif de réfugiés, et même doit produire l’existence d’une masse de réfugiés (personnes sans droits), afin de maintenir l’homogénéité de la nation que l’État aspire à représenter, afin de conforter en d’autres termes, le nationalisme même de l’État-nation. (…) Arendt considérait que tout État qui ne s’attire pas le soutien populaire de tous ses habitants, qui définit la citoyenneté sur la base de l’appartenance religieuse ou nationale, donnerait lieu, par la force des choses, à l’existence d’une classe de réfugiés permanents inaliénable de la vie sociale et politique elle-même.

 

-          Dans le cas d’Eichmann, l’effort pour choisir avec qui cohabiter sur cette terre était un effort explicite pour annihiler une partie de la population elle-même – les Juifs, les Tziganes, les homosexuels, les communistes, les handicapés et les malades, tant d’autres encore – et ainsi l’usage d’une liberté, sur lequel il insistait, était génocidaire.

 

-          Arendt explique la montée du fascisme européen par l’accroissement massif de populations apatrides qui a suivi la Première Guerre mondiale. La nationalisme triomphe alors de l’État de droit, et les populations minoritaires sont privées de nationalité, conduites à l’expulsion, sinon à l’extermination ? L’État de droit, qui devrait s’appliquer à tous de manière égale, est devenu moins important que la volonté nationale ; dans le même temps, les nations, définies par la race et l’ethnie, ont commencé à percevoir les apatrides comme une population qu’il faut administrer et contrôler. L’État a donc pris une place et une fonction sans rapport avec l’État de droit, et, pour reprendre les termes d’Arendt, « la dénationalisation devint une arme puissante entre les mains de la politique totalitaire ».

 

Et je pourrais continuer ainsi (ad nauseam) mais je ne veux pas d’ennui avec l’éditeur. Je m’arrêterai donc ici. Exactement où nous sommes aujourd’hui, à ce carrefour où il nous faut choisir dans quelle direction aller ! Pour ma part, je ne suis pas prêt de suivre les nationalistes et autres frontistes de n’importe quel poil. Il y a assez de « précédents » pour ne plus ignorer où cela nous mène.

 

318c2wx+GcL

 

 

Publicité
Commentaires
lire sa vie
Publicité
Newsletter
Archives
Publicité