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13 septembre 2013

58 Désir-liberté-fantasme

 

 Finalement, après toutes les tentatives plus ou moins rocambolesques pour mettre fin à mes jours (voir chronique précédente), je me suis calmé, étant soudainement et durablement saisi par le désir de vivre (et non plus par une illumination obsessionnelle). Le désir est devenu pour moi le véritable moteur de la vie. C’est ce que je me suis toujours dit, depuis. Ne pas confondre désir et plaisir, soit dit en passant, je le dis au cas où ! Je fus donc guidé par toutes sortes de désirs, irréfléchis et réfléchis. Les expériences servent à faire le tri, à moins d’être un esprit avisé né. Il y en a, j’en ai rencontré. Ce ne fut jamais mon cas, étant plutôt spontané, mais sur ce plan je m’améliore ou me détériore, selon le point de vue à partir duquel vous vous placez. (J’essaie de faire plaisir à tous mes lecteurs d’horizons si différents) Je ne sais pas si vous le constatez. Bon !, j’essaie en tout cas. Il n’est jamais trop tard pour bien faire disait ma grand-mère.

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Tant qu’il y a vie, il y a espoir dit-on ou dicton. Dans la vie donc, en marge du désir, je n’invente rien, il y a une source de jouvence extraordinaire que les religieux de tous poils et de toutes obédiences tentent depuis toujours et en vain de tarir ou de mettre sous le boisseau, comme vous le savez c’est la sensualité. Elle est partout et gonfle l’appétit de vivre, et pas seulement au printemps. La beauté pour moi accompagne naturellement la sensualité. Elle l’apprête et la rend encore plus attirante.

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Me promenant il y a deux ans à Buenos Aires, oui ma chère, et visitant l’église de Nuestra Senorà del Pilar (1730) dans laquelle parade le retable baroque mas antiguo de la ville, certainement le plus doré et tarabiscoté aussi, difficile de faire plus tellement c’est extravagant, je fus frappé par un Christ dénudé en bois et en croix dont la facture était la plus sensuelle que j’eusse jamais vue, grandeur nature, côtes d’anorexique bien saillantes en flagrant délit de torse nu, ventre dénudé bien plat et comme rentré et longues jambes galbées entièrement nues. Malgré sa position humiliante (il était quand même cloué sur une croix), il était d’une sensualité saisissante voulue par l’artiste et acceptée par une hiérarchie ecclésiastique aveuglée ou perverse (je vous laisse la liberté de choisir ou de me proposer une autre vision). Le sous-produit de la sensualité, c’est bien sûr la sexualité. Je ne vous apprends rien. Par définition, sans sexualité, pas de vie au sens propre comme au sens figuré ainsi qu’au sens que vous voudrez. De quoi affrioler toutes les grenouilles de bénitier, me suis-je dit, après tout, elles ont bien droit comme tout un chacun (messi messi) à leur fantasme.

Et me voici le bec dans l’eau. Si je l’ouvre, je bois la tasse. Car je vous avoue : pas trop envie aujourd’hui de vous causer de ma sensualité (pensé-je sexualité ?) débridée ou des mes fantasmes qui ne regardent que moi. Je suis libre quand même, non ? Alors ? Pirouette cacahouète, je me tourne vers Laura Kasischke qui est la seule responsable du titre de cette chronique, la lecture de son roman me l’ayant inspiré). Cette personne (Laura) m’a été présentée l’autre jour (on ne se connaissait pas) par mon petit doigt qui se moque comme de l’an quarante de la rentrée littéraire (je suis entièrement d’accord avec lui). Il m’a dit : vas-y ! J’y suis donc allé franco et ne le regrette vraiment pas, je dirais même plus, elle est vraiment, elle est vraiment, incroyablement formidable ! Rien qu’à lire une page, je vis son roman comme si c’était moi, vous, les autres la vie quoi, mais, attention, avec une façon d’écrire qui pousse à réfléchir, vous voyez, le désir qui se regarde dans un miroir et se met à réfléchir (le désir pas le miroir).

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Dans ce roman, Laura Kasischke cause du fantasme (masculin) et du désir féminin, et elle raconte magnifiquement bien, avec en plus cette liberté d’esprit que seule l’absence de morale permet. J’halète rien qu’en la lisant ! Je cours vers la page suivante. Mes yeux volent plus vite que mes lèvres sur les phrases. Et comme elle sait, la maline, qu’on va lire vite, elle multiplie les petites pauses pour qu’on puisse souffler souvent, comme des paliers sur ce terrible escalier qui nous mène vers l’enfer. Elle a une pensée pour les cardiaques et ceux ou celles qui manquent de souffle. Elle en profite aussi pour réaliser de petits bonds en avant ou en arrière qui vous tiennent encore plus en haleine.

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Comment un fantasme finalement, si on se met en tête de le réaliser, ou si une faiblesse nous prend de le mettre en pratique, parce que le désir nous brûle tellement qu’il déjoue tous les freins, si l’on n’est pas encore un esprit avisé, comment ce fantasme donc, qui n’en est plus un puisqu’on saute le pas, qui au contraire devient réalité, une réalité qui se révèle rapidement juste horrible malgré le plaisir, une réalité qui met de plus en plus mal à l’aise, dans laquelle on s’enlise et qui donne des frissons dans le dos rien que de le dire et dont on arrive difficilement à se dépêtrer. On voit les problèmes surgir un à un de loin, selon sa propre conception du couple, de l’amour, de la fidélité etc., alors que finalement, on se trompe de cible à chaque fois (je me suis bien trompé en tout cas). Un bon conseil, si vous voulez absolument donner corps à votre fantasme (au lieu de le conserver bien au chaud en vous), vous devez être prêt à payer le prix, et je vous le prédis, cela peut vous coûter beaucoup plus cher que vous ne l’aviez imaginé.

Quelque chose d’érotique. Quelque chose de chaud, qui s’agite. Quelque chose qui est là, depuis longtemps, qui attend d’être réveillé par la chaleur, pour se déverser dans ce soulèvement de vert. Mais, alors même que je pensais cela, sur l’autoroute, en dépassant un camion plein de vaches (dont l’une avait passé le museau et la gueule entre les barreaux de la remorque, pour sentir le vent, ou alors pour appeler à l’aide ?), j’avais honte de ces pensées. Je n’avais rien à voir avec ces arbres. J’étais un professeur d’anglais, d’âge moyen, qui avait une liaison avec un homme plus jeune – un instructeur en mécanique auto -, qui faisait l’amour sur le sol d’un studio d’étudiant, qui dépensait une fortune en robes et en chaussures neuves, qui organisait sa journée devant une tasse de café avec un inconnu dans la cafétéria, qui lui donnait rendez-vous à nouveau le soir. Il n’empêche que la honte ne calmait en rien l’excitation. Je mis un CD. Le clavier bien tempéré, mais alors, dès les premières notes brillantes, je me dis : Non, avant d’aller chercher sous le siège un disque de Chad, quelque chose qu’il aurait laissé là, et j’ai récupéré Nick Cave and the Bad Seeds, que j’ai mis à la place de l’autre. J’ai monté le son, les basses faisaient trembler les vitres de la voiture, et la voix du chanteur (Nick Cave ?), grave et mélodieuse, me rappela irrésistiblement Bram – et, bien que je fusse au volant de ma voiture, roulant à cent vingt kilomètre à l’heure sur l’autoroute, intérieurement, j’eus un étourdissement. Cet étourdissement, je m’en rendis alors compte, durant toutes ces années de mère et d’épouse, cet étourdissement de jeune fille, c’était ce qui m’avait manqué. La sensation dangereuse de vouloir quelque chose qui se trouvait juste hors de ma portée. La terrible implosion du désir. Le flux brûlant du désir. La montée du sang du désir. C’était cela que les arbres (je pensai à eux à nouveau) devaient avoir ressenti juste avant cette dernière poussée qui avait fait jaillir les feuilles.

Laura Kasischke, À moi pour toujours, traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne Wicke, Le livre de poche.   

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PS : beaucoup de lectrices et lecteurs apprécient les photos de Zahira Dris (anciennement Zaz la Bônoise). Sachez que vous pouvez vous en procurer certaines encadrées (moyennement finances...). Voir google etc.

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T
Mentir, se mentir .Est-ce un problème?<br /> <br /> Le mensonge cache une vérité qui ne peut pas s'exprimer......<br /> <br /> "L'étoffe du héros est fait d'un tissu de mensonges" J.Prévert.
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