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11 novembre 2013

66 Soleil Levant

 

Une femme n’écrit pas comme un homme, et inversement, si je puis me permettre. C’est souvent frappant même si c’est d’une banalité affligeante. Mais j’ai décidé dans cette chronique d’être aussi normal que banal, je n’ai pas dit barbant. Par exemple, ma douce et tendre et néanmoins indépendante moitié, m’a dit, dès le premier roman de lui lu ou lu de lui, Yasmina Khadra c’est un homme parce qu’ « elle » écrit comme un homme. Bien vu ma chère.

 

Yasmina_Khadra_20100328_Salon_du_livre_de_Paris_2

(Mohammed Moulessehoul, alias Yasmina Khadra, futur président de l'Algérie ? candidat en tout cas !)

 

On dirait qu’il et elle, ne sont pas sur les mêmes barreaux de l’échelle. Et bien, mes chères ouailles, je vous délivre ici un scoop (un de plus) : c’est tout aussi vrai pour les écrivain-e-s japonais-e-s. La différence est sans doute encore plus forte quand s’ajoute à cela le choc des générations. Ici, je cause statistiquement, évidement, parce que si ça se trouve, et ça se trouve, il y a certainement des écrivaines qui pensent et écrivent comme des mecs et des écrivains qui écrivent et pensent comme des meufs. Il y a même des éditeurs de premier plan, qui sont des éditrices, et qui éditent une majorité d’écrivaines, sachant que l’on peut évidement s’imaginer que les seuls écrivains qu’elles publient, écrivent comme des femmes eux aussi. Désolé, je ne peux pas tout contrôler. Quand il s’agit de cul par exemple, je veux parler d'amour charnel évidement, on pourrait croire que les écrivaines répugnent à en parler, et bien non, ce n’est même plus vrai, si ce l'a jamais été. "J’ai songé que j’aurais dû être plus sensible à ces choses quand j’étais enfant. Dans la mesure où mon père avait épousé en secondes noces une femme jeune, il aurait mieux fait de stimuler la libido de ses fils, à la manière de « Rosée de femme » (film porno japonais intra familial – note de l’écrivaine), et d’enlacer ou d’embrasser Eriko devant nous avec ostentation. (extrait du livre de l’écrivaine dont je parle aujourd’hui).

 

sans-titre (4)

(l'écrivaine invitée de ma chronique)

 

 Alors que, tout au contraire, Ôe Kenzaburô (voir chronique précédente, : "les absents présents), il est vrai d’une toute autre génération puisqu’il est né en 1935, trace son sillon politico-philosophico-alcoolico-littéraire (alcoolico équivaut à « amitié » masculine) dans son énorme Adieu, mon livre. "Comme tu parlais de Céline avec des transports d’enthousiasme, elle s’était fâchée et avait voulu que je la ramène à l’hôtel, mais j’étais en train de boire et je n’y avais prêté aucune attention. Finalement, elle était rentrée seule, avait pris une drogue alors en vogue en Californie, puis avait voulu revenir chez toi pour me chercher, mais en route elle s’était disputée avec le chauffeur de taxi. La police était intervenue et, quand elle avait enquêté sur cette drogue, la fille avait dit que c’était toi qui la lui avait donnée ! (…) Puis un hebdo spécialisé dans le show business, qui venait juste de paraître, s’était emparé de cet incident. Je ne t’avais pas mis hors de cause, car j’étais déjà rentré aux États-Unis et j’avais, moi aussi, de gros ennuis à cause de cette fille. Mais bon, revenons à cette soirée au cours de laquelle, ne nous doutant pas des complications à venir, nous avions continué à discuter de Céline. Tu étais toujours plus saoul ; à un certain moment, tu avais annoncé : « Moi, je vais écrire le roman de Robinson ! Ça sera l’œuvre de ma vieillesse. »

 (traduit du japonais par Jean-Jacques Tschudin, éditions Philippe Picquier)

 

Kenzaburo-Oe-9427089-1-402

(la "chouette" Ôe)

 

On dirait ici que l’écriture féminine de Hiromi Kawakami (1er extrait) s’insère dans la banalité de la vie quotidienne d’un quartier pour en retenir tous les petits travers qui enchantent finalement la vie et transcende son écriture, alors que l’écriture masculine de Ôe s’empare des courants idéologiques qui traversent la société nipponne (et les autres) en les enrobant d’amitié ambiguë, de revenants chiants et d’abandons progressifs dus à l'effet de l’âge. Les deux me plaisent en général. Je veux dire que si ma moitié et néanmoins tendre et douce mais résolument indépendante préfère de loin lire des écrivaines (je ne vois pas souvent d’écrivains dans les romans qu’elle se procure), moi je lis indifféremment l’une et l’autre, mais n’en tire aucune gloire particulière. Qu’on se le dise. Que dire de plus sinon vous offrir un petit dernier extrait de « le temps qui va, le temps qui vient », le voici le voilà :

Dans mon cas, la sérénité n’est pas de mise. Dès le départ, il n’y a rien. « Rien, dis-tu ? C’est triste, tu ne crois pas ? » C’est ce que m’a dit un jour Shirô, il y a longtemps, quand je lui ai parlé de l’absence de mes sentiments. Nous étions en train de boire ensemble tard le soir, ce qui nous arrivait que rarement, et j’avais dit ça malencontreusement. Non, je n’étais absolument pas triste. Simplement, je sentais comme un vide complet, l’absence parfaite de tout sentiment. Sensation pure. Et si j’avais atteint l’Éveil, si c’était ça le non-être ? En fait, il m’était arrivé d’écouter avec ardeur un cours facultatif de philo au lycée, qui portait sur le zen. Mais j’étais bien obligée de constater que ce n’était pas ça. Pourquoi, direz-vous ? Mais parce que j’avais envie d’avoir un beau sac de marque, je voulais habiter dans une maison avec un grand jardin et posséder un chien, que mes enfants fréquentent une bonne école, en un mot, j’avais les mêmes désirs que les petites gens, j’étais comme tout le monde. « Non, ce n’est pas triste, disons que…je suis un être humain tout ce qui a de plus banal, voilà. » En même temps, j’ai songé que j’avais les joues en feu à cause de l’ivresse. « Moi aussi, je suis tout à fait banal. Les enfants aussi, ma mère aussi. C’est ce qu’il y a de mieux sur terre, la banalité. Être comme tout le monde. » Shirô a clos la conversation sur ces paroles mesurées et stéréotypées. « Oui, tu as raison », ai-je dit en hochant la tête de façon ambiguë. Tantôt j’avais les joues brûlantes, tantôt elles devenaient brusquement glacées. Est-ce que je suis capable de faire l’amour avec cet homme ? Nous étions déjà mariés, nous avions déjà fait l’amour normalement, ça ne m’empêchait pas de me poser la question, comme ça. Je ne savais pas. Mais alors, pas du tout.

Hiromi Kawakami, le temps qui va, le temps qui vient, traduit du japonais par Élisabeth Suetsugu, éditions Picquier poche

 

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(Hirome Kawakami - enfin, je crois !)

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