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24 mai 2016

166 "Tu es comme la mer"

Je suis comme la mer, « une présence opaque et silencieuse ». Je suis une non présence infinie, sans limites, sans existence propre, je suis là sans y être, « sans attache », « sans connaître grand monde », je vis auprès d’inconnus, je leur suis inconnu, je suis étranger à moi-même et aux autres,  je suis un moment de flottement parce que « je me suis échiné à nier mes intuitions, j’ai glissé mes doutes sous un tapis de déni volontaire, et puis je me suis abandonné à la vérité, si douloureuse était-elle, [et cela] constitua une forme de délivrance ». (Les citations entre guillemets sont de l’auteur qui vient)

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Ma non-existence, ma transparence, mon étrangeté, mon flottement dans la vie, mon impression de traverser le temps sans le vivre, mon insignifiance, mon inconsistance, je le dois tout entier à la famille. Mais pourquoi me demanderez-vous ? Dans la famille, il y a le couple et les enfants. C’est la stabilité. Ce n’est que la partie visible, sociale, la vitrine convenable, bourgeoise ou petite bourgeoise. Et puis il y a aussi l’élément perturbateur dont on ne parle jamais ou celui dont on ne voudrait jamais parler, c’est la sexualité. Elle est brutale, irréfléchie, mais elle est souterraine. Elle creuse ses galeries dans les soubassements. Elle mélange, elle brasse, elle croise, elle foudroie, elle déchire. Quel enfant peut imaginer ses parents faisant l’amour, ce truc mystérieux, cette chose effrayante ? Alors, quand ce perturbateur sociétal, cet empêcheur de tourner en rond dans la famille et autres institutions bien ancrées (religions, partis, etc.) s’immisce, le sang gicle et les conséquences sont incalculables. La sexualité est toujours débridée et sape l’ordre social durement établi. Dans le roman que je lis, il s’agit de la sexualité de petits potentats locaux qui profitent de petites gens pas assez forts pour se défendre. À hauteur d’humain, c’est monstrueux.

tomber des nues Zaz

Cette fois je n’ai pas écouté mon petit doigt qui enfonçait le clou pour que je ne me saisisse pas de « la renverse ». Finalement, j’ai suivi les conseils d’un blog sur la littérature (eveyeshe.canalblog.com) que je consulte et m’en suis très bien porté. Je suis d’accord quand Eve parle d’un rythme renversant et addictif, dans une écriture enthousiasmante. Comme quoi, il ne faut pas toujours écouter son petit doigt. A propos, savez-vous ce qu’est la renverse ? Je viens de l’apprendre : c’est le moment où la marée change de direction, un moment de flottement donc. Après, il faut regarder les choses en face.

Devais-je rentrer à M., retrouver mes parents ? Pourquoi les avais-je fuis ? Ma mère était-elle seulement coupable ? Et si oui, de quoi ? De sa propre perversité, de sa violence, de son abus du petit pouvoir dont elle croyait jouir ? De s’être laissé entraîner, manipuler, fasciner par Laborde ? D’avoir perdu pied ? Laborde était-il ce monstre froid mû par la domination, la brutalité et l’impunité que me décrivait Laetitia ? Et s’il l’était, ma mère lui ressemblait-elle pour autant ? J’aurais dû être mieux placé que quiconque pour répondre à cette question. J’étais son fils. J’avais grandi auprès d’elle. Elle m’avait élevé. Comment, après tant d’années passées dans le secret d’un foyer, dans le creux d’une cellule familiale, pouvais-je me révéler à ce point incapable de la saisir, de me la figurer même ? Comment pouvais-je me sentir à ce point étranger à elle, à mon père, à notre propre histoire ? J’en venais à penser que dans toute cette affaire, c’était moi le plus dérangé, le plus brutal, le plus insensible. Le plus inhumain.

Olivier Adam, La renverse, Flammarion.

 

Adam

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Commentaires
U
Oh j'ai adoré ce très beau livre, déchirant et superbement écrit. Je plussoie Olivier Adam!
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