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12 mai 2017

190 Radicalisations(S)

Ce vieux mot s’est emparé de l’actualité. Il sert à expliquer ou comprendre (ce qui en aucun cas ne signifie excuser) les évènements dramatiques que nous avons vécus et que nous vivons toujours, qui ont causés beaucoup de morts innocents. Il semblerait que de plus en plus de nos contemporains oublient ou ignorent que le seul bien qui appartient à chacun d'entre nous en vrai sur cette terre est notre vie. Ainsi, en ce moment, beaucoup de gens tombent raides dans la radicalisation. Pour celles et ceux qui gardent les yeux braqués sur l’actualité, rappelons qu’il en allait déjà ainsi depuis fort longtemps si ce n’est depuis toujours. Je suis très bien placé pour le savoir. Rappelons aussi pour les amnésiques et les ignorants que notre vie tient pour partie entre nos mains. Nous avons le pouvoir de décider ce que nous voulons en faire et nous pouvons même essayer de le faire, même si nous savons que tenter n’est pas synonyme de réussite, malheureusement. Il faut s’y prendre en général à plusieurs fois. Mais pas toujours. Il se peut même qu’on n’y arrive jamais.

Or il arrive que la fougue de la jeunesse nous pousse parfois à accomplir des actes irréfléchis, quand ils ne sont pas provoqués par une pulsion de mort. Quand on prononce le mot de radicalisation aujourd’hui, tout le monde entend ou comprend radicalisation islamiste. Je trouve que c’est un peu court. Ils ne sont pas les seuls à occuper le devant de la scène. Ils représentent la fraction la plus spectaculaire et la plus sanglante évidemment mais je pense qu’il faut aller bien plus loin et savoir reconnaître que chaque extrême est une radicalisation, qu’elle soit de gauche ou de droite, extrême-gauche ou extrême droite, individuelle ou collective et sectaire, qui peut mener tout aussi sûrement au chaos sanglant. Tout le monde le sait ou devrait le savoir, la radicalisation se nourrit des imperfections du monde et de nos sociétés, elle naît des injustices et des inégalités qui sont difficiles à accepter encore plus à subir. L’idéologie radicalisée s’en nourrit et paraît ainsi légitime. Elle en est le produit sans jamais pour autant être capable de construire une société plus juste ou plus égalitaire. Toutes les révolutions (communistes, fascistes, etc.) n’ont accouché que d’une succession de malheurs et de catastrophes. Les militants pour les changements radicaux, en grande majorité sincères par ailleurs, se fourvoyent pour la raison essentielle qu’ils ne regardent pas la réalité du monde en face. Comme ils se soumettent à leur idéologie, ils ne s’intéressent qu’aux faits qui la renforcent et négligent ou ignorent tout ce qui la contredit. Ils s’aveuglent eux-mêmes en quelque sorte. Seuls les réformistes sincères, (mais peut-être faut-il qu’ils soient aiguillonnés par les extrêmes - c’est en cela seulement que les extrêmes peuvent être utiles quand ils sont contenus), sont capables petit à petit de rendre la société moins injuste, moins inégalitaire en contrôlant le côté sauvage et destructeur du capitalisme en général et de sa financiarisation en particulier. C’est long à faire, c’est lent, cela peut ne pas être satisfaisant et il faut à chaque fois recommencer et persévérer car rien n’est jamais définitivement acquis. Mais il n'y a pas d'autre voie.

L’histoire de Massoumeh, dans le roman qui vient, est haletante et exemplaire. Elle est aussi époustouflante. Elle inspire complètement tout ce que je viens d’écrire. Massoumeh dénonce à son corps défendant tous les méfaits de l’emprise d’une idéologie sur une vie (notre bien le plus précieux) ou comme choix de vie, toujours pour les meilleures causes du monde. Comment au nom de valeurs supérieures, ce bien unique que chacun reçoit en partage, des individus sont au bout du compte écrasés, laminés après avoir eux-mêmes ignoré, abandonné, écrasé et laminé.

Massoumeh est Iranienne. Elle avait 16 ans dans les dernières années de règne du Shah. Elle nous raconte son histoire depuis cette époque jusqu’à aujourd’hui. C’est beaucoup plus qu’un récit car elle nous confie au fur et à mesure toutes les clés de sa réflexion, en tant que jeune fille, puis jeune femme, enfin mère, dans un Iran tiraillé entre modernité et tradition, traversé par des idéologies opposées sanglantes et répressives. C’est tellement prenant, déchirant, et juste, de la première jusqu’à la dernière ligne qu’on ne peut faire l’impasse sur cette expérience que nous raconte ce roman. L’émotion qui nous prend aux tripes à chaque instant, presque à chaque page, nous oblige à réfléchir sur chaque aspect de notre propre vie, où qu’elle ait pris racine. 

-mon chéri, crois-tu qu'ils disent la vérité ?

-Oui, bien sûr. Si tu avais lu, tu penserais comme moi.

-Et les autres groupes, les autres organisations ? As-tu lu leurs livres, à eux aussi ? As-tu écouté leurs discours ?

-Non, ce n'est pas la peine. Je sais ce qu'ils racontent.

-Attends, tu ne peux pas prétendre avoir trouvé la bonne voie et être prêt à lui sacrifier ta vie sans être mieux informé, ai-je objecté. Peut-être le message d'autres mouvements est-il encore plus convaincant ! Combien de théories, combien d'idéologies as-tu examinées et étudiées sans préjugés avant de te faire une opinion ? As-tu lu un seul livre de ton père ?

-Non. Sa voie n'était pas la bonne. Ses camarades et lui étaient des athées ; peut-être même des gens hostiles à toute religion.

-Ca ne l'a pas empêché de penser, lui aussi, avoir trouvé la voie qui sauverait l'humanité et apporterait la justice à tous. Et il a fait ce choix après de longues années d'études et de réflexions. Et toi, qui ne sait pas le centième de ce qu'il savait, tu prétends qu'il s'est trompé et qu'il a perdu la vie en suivant le mauvais chemin. Tu as peut-être raison ; je le pense moi aussi. Mais réfléchis un peu. Si, malgré son expérience, il a commis une erreur aussi grave, comment peux-tu être sûr de ne pas te tromper toi aussi ? Tu ne connais même pas le nom des différentes écoles de philosophie et de pensées politiques ! Réfléchis, mon fils. La vie est ton bien le plus précieux. Tu ne peux pas la risquer pour une erreur, parce que personne ne te la rendra.

Parinoush Saniee, Le voile à Téhéran, Points, traduit de l'anglais par Odile Demange.

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