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19 mai 2019

251 Pressé !

 

J’étais pressé ! Je partais en voyage et le livre d’Erri de Luca que j’avais commandé était resté bloqué quelque part à cause d’une grève (sans doute) ou d’un blocage autoroutier en jaune. Je ne voulais pas partir sans prendre un livre à lire avec moi. J’ai besoin de lire autant que de respirer et aussi, quand je voyage, j’échoue parfois dans des chambres exigües dont le manque d’espace se concrétise en insomnie. De toute façon, j’ai besoin de partager une partie de ma journée avec un auteur. Je n’en dirai pas davantage. Alors, juste à la hauteur de mes yeux (alors que mon petit doigt sommeillait au fond de ma poche pas du tout alerté par l’urgence de la situation) j’ai lu sur la manchette d’un livre de poche accroché à un tourniquet, « déjà deux millions de lecteurs en France » ! Mazette, me suis-je exclamé en mon être intérieur, j’ignorais même qu’il y ait encore deux millions de personnes capables de lire des romans en France, de là à imaginer deux millions de lecteurs pour le même roman, cela ressemblait à une fable. Je soupesai l’information à l’aune de mon propre lectorat (c’est une grande faiblesse, je le sais, mais ne puis m’en empêcher – www.pierreferin-ecrivain.fr) en même temps qu’une voix autoritaire monta en moi en hurlant « non ce n’est pas possible » ! Retournant le livre que j’avais déjà dans les mains pour lire la quatrième de couverture, ces quelques mots frappèrent mon cerveau pressé : « un livre à la construction béton ». Et bien mes amies et amis, après l’avoir ingurgité ce livre, à force, c’est dire qu’il ne m’est quand même pas tombé des mains, je dirais même plus comme le Dupond de Dupont, une construction en béton armé ! Le problème du béton quelque part c’est que c’est ennuyeux. Et puis non, pas vraiment, ni ennuyeux ni enthousiasmant (je ne parle que pour moi). Nous voici partageant la vie de trois couples de la classe moyenne australienne de Sidney, l’auteure étant elle-même australienne, trois couples normaux, c'est-à-dire pataugeant dans des problèmes de couples normaux routiniers, très bien décrits par le menu au demeurant, vous et moi tout au long des pages destinées à celles et ceux qui n’en sont pas conscients.es, avec quelques petites « excentricités » événementielles (demi-noyade, accumulatrice névrosée et stripteaseuse) qui viennent titiller la routine de ces couples. L’auteure y ajoute un voisin vieux et acariâtre, normal, et tout ce monde s’étale sur 600 pages, en passant des uns aux autres, de l’après à l’avant (tout tourne autour d'une journée d'invitation pour un barbecue), en une construction comme il est dit infernalement béton. Et le plus incroyable, figurez-vous, c’est que tout ce monde bourgeois un peu sclérosé finit par s’approcher du bonheur, évidemment en fin du roman, tout ce qu’il y a de plus normal, encore. Mais, me direz-vous, par les temps anxiogènes et désastreux que nous vivons, je suis comme vous, je partirais bien vivre en Australie. Le plus incroyable est qu’il tombe des trombes d’eaux pendant tout le roman sauf à la fin quand le soleil revient. C’est qu’il faut du soleil pour entamer cette marche vers le bonheur.

 

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C’est donc comme ça, se dit Clémentine au fond d’elle en continuant à se balancer et à implorer. C’est l’effet que ça fait. On ne change pas. Il n’y a aucune protection quand on franchit la ligne invisible qui sépare la vie de tous les jours de ce monde parallèle où surviennent les tragédies. Ça arrive comme ça. On ne devient pas un autre. On est toujours le même. Tout a la même odeur, le même aspect, le même effet. Elle avait encore le goût du dessert de Vid dans la bouche. Elle sentait encore la viande grillée du barbecue. Elle entendait le chien aboyer sans fin et sentait le long de son tibia un filet de sang couler des genoux qui avaient cogné durement contre les dalles de terre cuite.

Liane Moriarty, Un peu, beaucoup, à la folie, le livre de poche, traduit de l’anglais (Australie) par Sabine Porte.

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