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4 décembre 2019

264 père et fils !

 

Les chats ne font pas des chiens pas plus que les chiens ne font des chats. La moitié de cette phrase revient en boucle dans le roman qui arrive. Je n’ai pas pris la peine de vérifier laquelle. Elle se contredit pourtant facilement. Il y a tellement de descendance qui ne ressemble pas à leurs ascendants qu’on se demande souvent pourquoi et comment. Mais là n’est pas la question de ce roman sans histoire mais rempli d’Histoire. père (sans majuscule) et fils sont aussi des chapitres qui se répètent. Mais très peu père et fille. Périodiquement, l’auteur a pris l’habitude de se promener de par le monde avec son fils, c’est ce qu’il écrit, on ne sait pas ce qu’en pense le fils, on le sent énervé des fois. Cette fois il s’agit d’un (ou plusieurs on ne sait pas) voyage le long et à côté de l’Amazone depuis l’embouchure jusqu’au Pérou et à l’Équateur. Il y a une carte à la fin mais je ne l’ai vue qu’à la fin. Ce sont les Occidentaux qui ont inventé l’ennui et c’est pour cela qu’ils font la guerre, qu’ils explorent, qu’ils colonisent, qu’ils entreprennent à tour de bras, les trois quart du temps pour rien du tout, pour du vent, en tout cas pour s’occuper sinon ils s’ennuient. Comme tracer une ligne télégraphique de mille km à travers la forêt vierge et la terminer au moment de l’invention de la TSF (téléphone sans fil).

 

candiru

 

(candiru)

Les Indiens d’Amazonie aussi s’ennuient, mais ils ne le savent pas. C’est ce que racontent les ethnologues. Et donc, les entrepreneurs font des entrepreneurs et les Indiens qui s’ennuient font des Indiens qui s’ennuient, c’est de cela qu’il s’agit quand on dit que les chats ne font pas des chiens et vice versa, et en ce qui concerne les Indiens, ils s’ennuient tant qu’ils n’ont pas goûté à la civilisation où il est beaucoup plus intéressant d’aller boire une bière fraîche au bistrot du coin que de s’emmerder dans la moiteur de sa case. Même dans les coins perdus, il y a un bistrot. Surtout en Amazonie où humidité et chaleur font la paire. On ne peut même pas se baigner dans les fleuves pour se rafraîchir à cause du candiru, une saloperie de bestiole qui pénètre par toutes les ouvertures (le pénis entre autres, il adore le jet d’urine qu’il remonte jusqu’au robinet) et ne peut plus en sortir et putain ça fait mal quand elle déploie ses épines et s'agite, c’est même empoisonné et c’est mortel. Le piranha c’est de la bibine à côté. Enfin presque. On apprend donc d’une docte et plaisante façon tout ce qu’il faut de l’inutilité des explorations et des explorateurs de l’Amazonie au 19ème siècle et bien d’autres choses encore. Ce Patrick Deville est un puits de culture et de perspicacité.

Quant à la part de fiction, je voyais bien que Bernardo préférait ne pas trop en dire, mais il me certifiait que les propos rapportés de Lévi-Strauss ne l’étaient pas, fictifs. Du temps qu’il avait été correspondant à Paris de la « Folha de São Paulo », il avait réalisé plusieurs entretiens avec le vieil homme. Celui-ci lui avait confié ces phrases reprises dans le roman : « Plus les cultures communiquent entre elles, plus elles tendent à s’uniformiser et moins elles ont à communiquer. Le problème pour l’humanité, c’est qu’il y ait une communication suffisante, mais pas excessive, entre les cultures. Lors de mon séjour au Brésil il y a plus de cinquante ans, j’ai été profondément ému, évidemment, par le destin de ces petites cultures menacées d’extinction. Cinquante ans plus tard, je fais une constatation qui me surprend : ma propre culture est elle aussi menacée. » Cette culture que Lévi-Strauss voyait déjà menacée, c’était celle de l’humanisme de Montaigne. Et tout comme les Trumaï déjà en voie d’extinction dans les années trente, nous étions peut-être devenus les derniers des Mohicans.

Patrick Deville, Amazonia, Seuil

amazonia-1280317599_L

www.pierreferin-ecrivain.fr

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Commentaires
M
Heu oui Patrick Deville se documente bp avant de se lancer dans l'écriture...j'ai lu son excellente chronique ou plutôt biographie de la vie, celle d' Alexandre Yersin dans Peste et Choléra....beaucoup d'entrées pas trop de sorties...il nous entraîne jusqu'au bout ...dans une voracité encyclopédique et afin de dénouer de nombreux noeuds freudiens...chacun sa névrose...je me contenterai d'aller voir "Un fils" de Barsaoui ( Tunisie) ce soir au Cinemamed...plus fictionnel non moins freudien....j'ai aussi découvert à travers Gloria Mundi, l'excellent travail de Guediguian, sa compagne Ariane et sa bande de théatreux depuis TOUJOURS ...le Ken Loach français...<br /> <br /> Amitiés Marie
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