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2 mai 2013

40 RégressionS (méli-mélo de)

Il n’y a pas que l’économie qui régresse en ce moment, on dirait. Il y a aussi un basculement lent des idées et des valeurs. Comme dit la souris prise au piège dans la petite fable de Kafka : « le monde, hélas, devient plus étroit chaque jour ».

 

Zaz 8

 

Certains font des rêves de mai 13 à rebours de celui de 68. Espérons qu’ils ne soient pas assez nombreux. De toute façon, ce genre d’évènements ne se décrète pas. Ils ont lieu s’il y a lieu. Depuis 68, nous nous sommes extirpés d’une société autoritaire-patriarcale pour cheminer vers une société aux mœurs plus libérées, et en 2013, nous devrions inverser la tendance et revenir à une société rigide-frigide ? Vous ne trouvez pas que c’est un peu barjot ? L’histoire est capable de bafouiller parfois, ne l’oublions pas. Certains voudraient remettre le triangle rose obligatoire aux homosexuels et les parquer dans le marais (poitevin). Et, comme d’habitude depuis des siècles, tout ça pourrait finir par se retourner contre les Juifs, revendiqués ou non, au prétexte qu’ils ne sont pas comme les civitas.

 

1564889-Main_entrance_to_Mea_Shearim-Jerusalem

 

La grande nouveauté serait que les musulmans, revendiqués ou pas, mêmes ceux qui se sentent solidaires des cathos tradis contre le mariage des homos, seraient remisés dans la même catégorie que les Juifs : indésirables étrangers. Alors là, mes amis, s’en mêlent les Qataris ! Voilà que nous replongeons dans les guerres de religions. Et c’est nous, les Occidentaux, qui les avons relancées par l’intermédiaire de notre inénarrable fiston Bush, le soi-disant VRP de la démocratie en Irak, où il n’a fait qu’exciter les antagonismes entre sunnites, chiites, laïcs et chrétiens, sous ses bombes pourtant garanties 100% efficaces et sans effets collatéraux. Très mal joué, mon vieux reborn !

president georges bush

La première fois que je suis allé passer un été (laborieux) au kibboutz Carmia en Israël, c’était en 1966. Les valeurs revendiquées par les pionniers étaient encore vaillantes. Je ne savais rien du sionisme, rien sur Israël, encore moins (que rien) sur les Palestiniens et je n’étais même pas Juif, ni de près ni de loin. À 21 ans, j’étais tout simplement intrigué et intéressé par la conception même du kibboutz. C’est tout et amplement suffisant. J’y ai encore senti ce qu’écrit David Grossman dans son discours du 4 novembre 2006 à la mémoire de Yitzhak Rabin : l’État d’Israël dilapide…l’extraordinaire opportunité que lui a accordée l’histoire : l’occasion de créer un État de droit, éclairé et démocratique, respectueux des valeurs juives universelles. Un État qui serait un foyer national et un refuge. Et pas seulement un refuge, mais aussi un lieu qui donnerait un sens nouveau à l’existence juive. Un État où le rapport d’égalité et de respect avec ses citoyens non juifs ferait partie constituante de l’identité et de l’éthos juifs.

Et cela m’avait beaucoup plu.  

Kibboutz-refectoire

(tout au fond, à gauche, c'est moi)

 Quand j’y suis retourné, au dernier jour de la guerre des Six Jours, en juin 67, les mentalités ont commencé à évoluer. L’effet pervers sans doute de cette victoire écrasante, de la récupération de la partie Est de Jérusalem et du Mur des Lamentations. J’ai très vite senti monter chez mes amis « sionistes de gauche » une certaine arrogance nationaliste qui n’a fait que se confirmer au fil des années, suiviste de l’ultra-nationalisme de droite. Né juste après la guerre mondiale de 1939-1945, je ne pouvais qu’avoir en horreur toute espèce de nationalisme. C’est simple, rien que le mot me donne toujours froid dans le dos. J’avais vu dans le kibboutz un décalage avec le système (capitaliste) et je me retrouvais moi-même en tant qu’anti-nationaliste, complètement décalé de la société israélienne. Je m’étais pris entre deux feux, l’horreur de l’antisémitisme et celui du nationalisme.

Photos6jours 2

Les hostilités ont commencé depuis plus d’un siècle et nous, les citoyens de ce conflit (les Israéliens), sommes nés et avons grandi avec la guerre. En un sens, on pourrait presque dire que nous avons été programmés pour. Et sans doute est-ce pour cette raison que, croyons-nous, la folie qui nous submerge depuis plus de cent ans est la seule chose réelle, la seule existence possible, et que nous n’avons pas le choix, ni même le droit d’aspirer à une autre vie : « Par le glaive nous vivrons, par le glaive nous périrons, et le glaive nous dévorera pour toujours. » Voilà qui explique peut-être notre détachement devant l’échec total du processus de paix, une situation qui perdure depuis des années et fait de plus en plus de victimes. Et c’est probablement aussi l’explication de l’indifférence quasi générale au coup terrible que porte à la démocratie la nomination d’Avigdor Lieberman à un super-ministère, avec le soutien du Parti travailliste – un pyromane invétéré, nommé chef des pompiers de la nation. Ceci est en partie la cause de l’insensibilité, voire la brutalité d’Israël à l’égard des plus faibles, des pauvres et des malheureux. Son indifférence au sort de ceux qui ont faim, des personnes âgées, des malades et des handicapés. Son désintérêt pour la traite des femmes, par exemple, ou l’exploitation frisant l’esclavage des travailleurs étrangers, le racisme exacerbé, institutionnalisé, à l’égard de la minorité arabe. Lorsque cela a l’air d’aller de soi, sans susciter de réactions ni de protestations indignées, je commence à craindre que, même si la paix survenait demain et que nous revenions à une certaine normalité, nous ne guéririons jamais totalement.

David Grossman, Dans la peau de Gisela (Politique et création littéraire), traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen, éditions du Seuil   

dans la peau de Gisela

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